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Chômage : la situation s'envenime en Tunisie

Par Marine Chassagnon , AFP agence Mis à jour le 21/01/2016 à 16:36 Publié dans LE FIGARO

Un homme brandit un dessin lors d'une manifestation antigouvernementale, le 20 janvier 2016 à Tunis, en soutien aux protestations des habitants sans emploi de Kasserine, dans le centre du pays.

Depuis cinq jours les manifestations se succèdent. Le peuple tunisien crie son indignation face aux difficultés économiques qui subsistent dans le pays cinq ans après la révolution tunisienne.

Le 17 décembre 2010, Mohamed Bouazizi s'immolait par le feu à Sidi Bouzid. Son décès est considéré comme l'étincelle de la révolution tunisienne. Aujourd'hui, c'est la mort de Ridha Yahyaoui qui enflamme le cœur de la Tunisie. Ce jeune chômeur de 28 ans est mort électrocuté samedi, en haut d'un poteau près du siège du gouvernement à Kasserine, alors qu'il manifestait pour son droit au travail.

Après son décès - un suicide selon certains - des manifestations ont éclos dans la région du centre-ouest de la Tunisie. Ainsi, plusieurs dizaines d'habitants ont brûlé des pneus dimanche devant le siège de la préfecture de Kasserine, afin d'exprimer leur mécontentement. Mais c'est à Fériana, une ville située au sud de Kasserine, qu'a eu lieu mardi le premier rassemblement de sans-emploi. Le mouvement s'est étendu les jours qui suivirent à d'autres villes et des heurts avec les forces de l'ordre se sont produits. «C'est comme si nous étions encore à la fin 2010-début 2011. Kasserine est en feu et les villes voisines l'appuient, les manifestants prennent les rues et les institutions publiques, la police fait usage de la force et l'armée intervient», raconte le quotidien arabophone Al Chourouk. Lors de ces différents heurts, un policier de 25 ans a été tué mercredi à Fériana, alors que des manifestants réclamant du travail se dispersaient. Durant ces cinq jours de colère, 14 personnes ont été blessées.

Un couvre-feu a ainsi été décrété mardi à Kasserine. Étendu à Fériana et Thala, les manifestants ne l'ont pas respecté et sont malgré tout restés dans les rues, défiant la police. Le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Walid Louguini, a justifié ce couvre-feu par la nécessité de «protéger les vies», d'éviter toute «escalade» mais aussi d'empêcher «les éléments terroristes d'essayer d'exploiter cette situation».

Une renaissance difficile

La presse tunisienne voit dans ces protestations un rappel de la révolution de 2011 et met en garde contre une nouvelle explosion en cas de persistance des inégalités.

Le pays vient de fêter les cinq ans du soulèvement populaire, largement motivé par la misère, l'exclusion sociale et le chômage. Des séquelles sociales qui marquent, encore aujourd'hui, profondément la région de Kasserine. «Partout, le taux de chômage chez les diplômés est en train de battre des records. Les statistiques sont effrayantes et menacent toute une génération qui a sué (...) pour dénicher un diplôme qui s'avère vain et insuffisant pour avoir un emploi digne», met en exergue journal tunisien Le Quotidien. «Face à un tel constat d'échec, la réaction des chômeurs, à Kasserine ou ailleurs, semble légitime et logique», analyse-t-il. Pour soutenir les sans-emploi révoltés, entre 150 et 200 personnes ont manifesté lundi sur l'avenue Habib Bourguiba à Tunis à l'appel de l'Union des diplômés chômeurs (UDC) et de l'Union générale des étudiants de Tunisie (UGET).

Face à cette situation, le président Béji Caïd Essebsi a tenu à souligner mercredi que «le gouvernement actuel avait hérité d'une situation très difficile» avec «700.000 chômeurs et parmi eux 250.000 jeunes qui ont des diplômes». «Mais (...) on ne peut résoudre des situations comme ça par des déclarations ou un coup de pouce. Il faut (laisser) du temps au temps», a-t-il soutenu. Selon une étude publiée par l'institut WIN/Gallup International et repérée par le Huffpost Maghreb, les Tunisiens seraient eux-mêmes pessimistes concernant l'année à venir. À la question «Pensez-vous que 2016, sera meilleur, pire ou pareil que 2015?», 45% des personnes interrogées estiment que 2016 sera pire que 2015.

Si elle a réussi la transition politique née de la révolution de 2011, la Tunisie ne parvient pas à relancer son économie. En 2015, la croissance devrait être inférieure à 1%, notamment plombée par la crise du secteur touristique, conséquence de l'instabilité et des attaques djihadistes. Le chômage au niveau national dépasse 15% et atteint le double chez les diplômés.

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